jeudi 28 août 2014

Quand le solaire sauve des vies

Longtemps considérée à tort comme une énergie pour les nantis, l’énergie solaire se révèle progressivement aux populations. Ces dernières découvrent son potentiel et ses différentes applications qui sauvent des vies.

Une lampe solaire à la charge à l'entrée d'une demeure.


Au Cameroun, l’approvisionnement en électricité laissent encore beaucoup à désirer. Malgré le fort potentiel énergétique du pays, les villes et les quelques villages électrifiés vivent encore  les coupures intempestives et autres délestages. Si pour les entreprises cette situation énergétique entrave leur productivité à long terme, pour les populations, les coupures d’électricités sont la cause indirecte de plusieurs incendies et de décès. Mylène Tchakouep, jeune femme de 35 ans, garde encore dans sa mémoire un souvenir très vivace du décès de ses enfants. Il y a trois ans, la chambre qu’elle occupait au quartier Makèpè, à  Douala, partait en flammes. À l’intérieur, endormis, son fils de 12 ans et sa fille de 7 ans. Rendue à une réunion de femmes, la bougie allumée pour leur permettre d’étudier s’était renversée. Les flammes qui s’étaient rapidement répandues avaient consumé les lieux et ses petits occupants.
Sauver des vies
Aujourd’hui, Mylène n’utilise plus de bougies pour s’éclairer en cas de coupure d’électricité. Pour chasser les ténèbres dans sa nouvelle demeure située au quartier Bédi, elle utilise une lampe solaire. Cette solution, elle l’a adopté l’année dernière, lorsque divers modèles de ces appareils ont fait leur apparition sur le marché. C’est l’entreprise pétrolière Total qui s’est manifestée la première dans ce secteur en commercialisant sa lampe solaire « Awango » dans ses différentes stations-services. Coût de l’unité : 14 000 FCFA. L’engouement des camerounais pour la lampe solaire, facilement rechargeable et plus sûre, a poussé d’autres entreprises comme GN Solaire France à tenter l’aventure dans le pays. Aujourd’hui, la lampe solaire se vend bien. À Yaoundé et à Douala, on en trouve déjà dans presque toutes les quincailleries. Même dans les rues, le nombre important de vendeurs ambulants qui proposent ces appareils, généralement « Made in China », témoignent du succès qu’elle rencontre auprès des populations. Le prix d’achat d’une lampe solaire varie selon son type.
L’utile à l’agréable
Les plus prisées sont les lampes solaires dotées d’un chargeur Usb pour téléphone portable. En Afrique où le mobile est devenu incontournable, grâce aux différents services qu’il rend (transfert d’argent mobile, santé mobile, conseils aux agriculteurs, etc Ndlr) les lampes solaires résolvent bien de problèmes causés par le déficit énergétique. « C’est vrai que la lampe solaire m’a séduite par son côté pratique. On ne dépense qu’une fois, à l’achat. Sa recharge est simple. Elle est sans danger, économique aussi. Plus besoin de dépenser pour des piles. Même quand il pleut elle se recharge. Le fait qu’on puisse aussi l’utiliser pour recharger son téléphone est formidable », confie Michel Bonono, agent d’entretien. L’énergie solaire, il la connaissait juste de nom, à travers divers projets annoncés par le gouvernement. Aujourd’hui, il l’expérimente. Pour le moment, il est encore difficile pour un camerounais moyen de s’éclairer entièrement au solaire. Les équipements coûtent très chers du fait de la taxe sur ces équipements. Un panneau photovoltaïque de 60 Watt par exemple, soit l’intensité nécessaire pour faire briller une petite ampoule de tungstène, coûte 75 000 FCFA.
La sécurité publique
À Yaoundé, avec une capacité énergétique ne permettant pas de consacrer une partie de l’électricité à l’éclairage public, la municipalité s’est elle aussi mise au solaire. Son objectif, combattre l’insécurité qui prolifère dans la ville grâce à l’obscurité. Depuis 2013, plusieurs projets d’électrification urbaine au solaire ont été amorcés, à l’instar de celui mené en partenariat avec l’entreprise technologique chinoise Huawei, sur la route qui mène à l’université de Yaoundé 2 Soa, célèbre pour ses accidents nocturnes mortels. Le déploiement de ces équipements est en cours. Dans certaines zones obscures et dangereuses comme le monument de la Réunification, situé vers l’Assemblée National, ou encore vers l’Ecole Nationale Supérieure des Poste, la Communauté urbaine a aussi déployé des lampadaires solaires. Ces appareils fonctionnent automatiquement selon une horloge qui les allume dès le jour tombé et les éteint à l’aube. Lorsqu’il y a coupure d’électricité, leur lumière apporte un certain réconfort aux populations. L’initiative devrait se prolonger dans les quartiers.
Gagner de l’argent
Au-delà de l’éclairage. Le solaire peut aussi être générateur de revenu, certes modestes.  C’est ce qu’on démontré deux jeunes adolescents du village Mindimi Oveng, dans la région du Sud. Pour gagner un peu d’argent pendant la période des vacances scolaires passées chez leurs grands-parents, ils ont eu l’idée d’offrir des services de recharge de batterie pour mobile aux habitants du hameau et des villages voisins. Grâce à la lampe solaire qu’ils ont emportée avec eux, et son cordon de recharge de téléphone portable doté de cinq prises pour mobile, ils ont pu gagner et mettre un peu d’argent de côté pour la nouvelle rentrée scolaire prévue le 8 septembre prochain. 100 FCFA le prix d’une recharge. En quittant leurs grands-parents, ils comptent leur laisser la lampe solaire en cadeau. Elle leur permettra de ne plus dépenser de l’argent pour acheter du pétrole destiné à leur vieille lampe tempête. Elle leur apportera aussi un peu de sous.

Muriel Edjo