mardi 12 avril 2011

Gaucher mais pas stupide



Croyance. Plusieurs idées reçues les considèrent comme des personnes anormales.

Toute jeune, Sévérine était gauchère. A 42 ans aujourd’hui, elle utilise désormais sa main droite pour écrire. Avec sa main gauche, elle ne fait que des réflexes involontaires comme se gratter la joue ou passer la main dans les cheveux. Pour changer de main d’écriture, Sévérine a subi le fouet à la maison et à l’école. Comme Séverine, certains enfants gauchers subissent des traumatismes de tout ordre. Bastonnade, lourdes charges attachées à la main gauche de l’enfant pour éviter qu’il ne s’en serve… En effet, mal informés, certains parents considèrent la latéralisation gauche comme une maladie à soigner. Certaines idées reçues renforcent ces préjugés. Il se dit que les gauchers sont mal vus par l’Eglise catholique parce que Judas, Iscariote, l'un des douze apôtres qui a facilité l'arrestation de Jésus, en était un. Au Cameroun, dans certaines ethnies on les traite de sorciers. Dans les pays arabes, la main droite est celle de la pureté, la gauche celle des gestes impurs. Au Japon, le fait pour une femme d’être gauchère a longtemps été un motif de divorce…

Personnalités célèbres

Célestin Ngoura, anthropologue à l’université de Yaoundé I explique qu’à partir des interdits en rapport avec l’utilisation de la main gauche, des croyances déformées ont grandi au fil du temps. «Chaque société a ses codes de conduite. En milieu familial, traditionnel, manger en commun en utilisant la main gauche, donner, recevoir quelque chose ou encore saluer de la main gauche est un signe d’impolitesse et d’irrespect dans plusieurs univers culturel comme chez les Beti. Dans un autre contexte comme l’école on tolère », explique-t-il. Pour l’Abbé George Francis Mballa Owono, Vicaire épiscopal chargé de la communication sociale au Conseil national épiscopal du Cameroun (Cnec), «l’Eglise n’a jamais dit que les gauchers sont maudits, anathèmes, hérétiques. Il y a des prêtres qui sont gauchers. Cela n’a jamais été et ne sera jamais une raison pour renvoyer quelqu’un du séminaire. Et personne ne sait si Judas était gaucher ou droitier. La Bible n’en parle pas».Reste que le monde connaît des personnalités qui, bien que gauchères, ne sont pas pour autant stupides. Il s’agit notamment de quatre présidents américains Barack Obama, Ronald Reagan, George H.W. Bush et Bill Clinton ; des footballeurs Diego Armando Maradona et Pelé Edson Arantes do Nascimento, Louis Paul Nfédé.

Muriel Edjo



Ciseaux, claviers, tire-bouchons… A cause de leur nombre réduit dans le monde, aujourd’hui encore, les gauchers rencontrent beaucoup d’obstacles. Il leur est ainsi difficile de trouver des claviers d’ordinateur avec pavé numérique à gauche ou tout simplement des ciseaux, des tire-bouchons et d’autres instruments domestiques pour gauchers. Et lorsque ces produits existent, ils sont plus chers que l’équivalent pour droitiers. En musique aussi, le gaucher est désavantagé, selon l’instrument dont il joue. C’est ainsi que les pianistes ne trouveront pas de piano. Faute de violon pour gaucher, on initie les enfants gauchers à jouer comme les droitiers. Heureusement, grâce à Jimi Hendrix, qui avait appris à jouer sur une guitare de droitier en montant les cordes à l’envers et à Paul McCartney, on trouve aujourd’hui des guitares de gaucher. Mais certains musiciens gauchers comme le défunt Cyril Effala, eux, ont préféré utiliser une guitare conçue pour droitiers.




« Il peut se renfermer sur lui »

Mireille Ndje Ndje. La psychologue explique les risques qu’il y a à obliger un gaucher à devenir droitier.

Quelle est l’origine de la gaucherie ? La gaucherie est la tendance préférentielle à utiliser les sens et organes moteurs gauches. Les scientifiques parlent de latéralisation des hémisphères. Plusieurs études ont été menées sur le sujet. Elles ont avancé différentes théories, sur la génétique, le développement de la grossesse etc. Mais elles se sont toutes contredites par la suite. Les origines ou les causes scientifiques de la gaucherie restent méconnues jusqu’à présent.

Y a t-il un écart d’intelligence entre gaucher et droitier ?

Des gens ont pensé que les gauchers sont moins ou plus intelligents que les droitiers. Mais dans le contexte actuel, on ne peut pas parler de même intelligence. La majorité des éléments qui nous entourent est à l’avantage des droitiers. Nous vivons dans un monde de droitiers qui sont majoritaires. Le système d’écriture latine est adapté au droitier, l’écriture aussi la lecture. Même les outils pratiques comme une simple paire de ciseaux. Tout cet environnement culturel peut inhiber le potentiel d’un enfant gaucher. Mais de point de vue intellectuel, un droitier n’est pas plus intelligent qu’un gaucher. C’est l’environnement qui détermine tout.

Quels risques y a t-il à obligé un gaucher à devenir droitier?

On les appelle les gauchers contrariés. Ce sont des personnes gauchères qu’on a obligé à devenir droitière. Cette obligation peut entraîner un traumatisme qui va mettre la personne en situation d’handicap. C’est obliger quelqu’un qui a une habilité naturelle à la sous-exploiter pour qu’elle rentre dans la norme. Avec sa différence, un gaucher est apte. En l’obligeant à changer, on freine sa capacité. On lui fait voir sa différence comme un mal à corriger. Il peut se renfermer sur lui.

Quand peut-on déceler la gaucherie ?

Déjà bébé, avec le phénomène de « grasping », lorsque le nourrisson saisit le doigt que vous mettez devant lui, c’et déjà un signe. Mais généralement on ne prête pas attention. C’est avec le début des classes, lorsque l’enfant commence à apprendre à écrire que l’on peut mieux remarquer ave quelle main il a tendance à tenir son stylo. Les parents gagneraient à encourager leur enfant malgré cela parce que ce n’est pas un handicap ou une maladie, juste un aléa scientifique sans dommage.

Propos recueillis par Muriel Edjo

mardi 5 avril 2011

Les doctorants admis à soutenir


Dénouement. Leur sit-in devant le rectorat de l’université de Yaoundé 1 a porté des fruits. Ils ont levé le camp vendredi dernier, les membres de l’Association de défense des droits des étudiants du Cameroun (Addec) et les 4 étudiants en thèse de doctorat du département de Biochimie. La devanture du rectorat de l’université de Yaoundé 1 est de nouveau libre. Comme il le réclamait, Kuaté Dieudonné a reçu son communiqué de soutenance signé du doyen de la faculté des Sciences. Les travaux de Gabin Boris Azantsa Kingue, Cécile Huguette Yangoua Mafo, Blanche Etoundi Omgba, bloqués depuis au décanat, sont de nouveau en réévaluation. Depuis le 23 février 2011, les 4 étudiants avaient initié un sit-in pour dénoncer une injustice dont ils étaient victime. D’après eux, cela découlait de frottements entre le chef de département, M. Etoa et leur directeur de thèse, le Pr. Julius Oben Enyong. Une situation dans laquelle ils seraient devenus des dommages collatéraux Dieudonné Kuaté a été sélectionné en thèse de doctorat/PhD en 2006 et Gabin Boris Azantsa Kingue, Cécile Huguette Yangoua Mafo, Blanche Etoundi Omgba en 2007. Tous sous la supervision du Pr. Julius Oben du laboratoire de Nutrition et de biochimie nutritionnelle. Ils ont déposé leurs travaux en mars 2009 et 15 mois après, ils n’arrivaient toujours pas à soutenir alors que les travaux de plusieurs de leurs camarades, déposés après les leurs, avaient été libérés. Pour Kuaté Dieudonné, depuis 10 mois, il lui manquait juste un communiqué de soutenance signé du doyen de la faculté des Sciences. La thèse de doctorat PhD de Dieudonné Kuaté porte sur les « Effets de quelques épices locales sur la composition corporelle : le profil lipidique, la glycémie, le stress oxydatif ». C’est dans la préparation du Nkui, de la sauce jaune, du taro. Éclairages D’après l’université, il lui était reproché le non-respect de sa clairance éthique qui l’autorisait à travailler sur quatre plantes lors de ses recherches. Or le candidat aurait travaillé sur une trentaine sans inclure les quatre plantes en question. À cela s’ajoutait l’accusation d’avoir fait une partie des tests cliniques sur des humains, chose interdite par le comité national d’éthique. Selon les explications de l’étudiant, « au regard de la qualité des plantes utilisées dans ma recherches et soumises à l’arrêté n° 2001/ Minsanté du 22novembre 2007 portant réglementation de la production et de la distribution des compléments alimentaires au Cameroun, je n’avais même pas besoin de clairance éthique, je l’ai juste inclue dans mon travail par transparence puisque les plantes que j’ai utilisées sont des condiments. Je les ai utilisées en plus dans leur forme native, c’est-à-dire comme consommées tous les jours par les populations. La clairance éthique est utile quand on expérimente des plantes reconnues comme dangereuses ». Entretemps, le Pr. Julius Oben Enyong comparaissait devant le conseil de discipline de l’université vendredi dernier. Il lui est reproché la non-conformité de son laboratoire de nutrition de biochimie nutritionnelle (Lnbn) et l’expérimentation sur des humains à l’insu de l’université. Une chose qu’il ne reconnait pas. Son sort repose désormais au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur où son dossier a été envoyé pour appréciation. Muriel Edjo

Après le choléra, la méningite


Epidémie. La maladie s’est déclarée il y a trois semaines dans l’Extrême-Nord et a déjà fait six morts. D’après la délégation régionale de la Santé publique du Centre, la ville de Yaoundé n’est pas touchée par l’épidémie de méningite qui sévit depuis le 11 mars 2011 dans la région de l’Extrême-Nord. Selon Joseph Béti Assomo, le gouverneur de l’Extrême-Nord, l’on a déjà enregistré six morts sur les 54 cas signalés. Président du comité régional de crise pour la lutte contre les épidémies, il a rassuré les populations sur les mesures de prise en charge gratuite des malades dans toutes les formations sanitaires de la région. D’après les explications du Dr. Charles Zo’o de l’hôpital de district de Biyem-Assi, « la méningite est une inflammation infectieuse des méninges, chacune des membranes qui entourent le cerveau et la moelle épinière. Il existe trois types de méningites : la virale, l’infectieuse et la bactérienne. D’après le Centre Pasteur du Cameroun, la méningite bactérienne est la seule forme qui provoque des épidémies. Elle est la plus rencontrée au Cameroun et est provoquée par le méningocoque. La contamination se fait à travers le contact direct avec une personne malade, notamment avec les gouttelettes émises par les voies respiratoires, la gorge, le nez ». La période d’incubation de la bactérie est de 2 à 10 jours. Le malade ressent une raideur de la nuque et des articulations, de constants maux de tête, des vomissements et une intolérance de la lumière. Si la maladie n’est pas rapidement prise en charge, les symptômes s’aggravent et le patient manifeste des pertes de conscience puis des convulsions et enfin le coma. Dès les premiers signes cliniques, il est conseillé de se rendre à l’hôpital. Le traitement se fait essentiellement à base d’antibiotiques. A titre préventif, toutes les personnes dans l’entourage direct du malade sont mises sous traitement. La méningite est mortelle. Pour ceux qui y survivent, les séquelles neurologiques sont importantes. Le vaccin demeure le moyen le plus efficace pour s’en prémunir. Selon le Centre Pasteur du Cameroun, la région de l’Extrême-Nord fait partie de « la ceinture africaine de la méningite » qui va de l’Ethiopie jusqu’au Sénégal. Muriel Edjo